Balance ton goret

Balance ton goret

En ce jour si particulier de grève nationale généralisée, c’est avec un plaisir non dissimulé que nous accueillons à présent une invité très spéciale : Josette Fidulaire. Cette grande âme va nous dépeindre avec brio (avec qui ?) son quotidien étouffant au sein d’un corporatisme porcin dégoulinant de sexisme ordinaire. « Balance ton goret », un article choc qui dénonce sans y aller de main morte. Mais d’abord, présentation du contexte, on laisse la parole à Josette.

Présentation

Je suis une gentille soldate du salariat, je m’investis dans mes missions, je respecte les deadlines. Même quand c’est absurde. Soyons francs, dans le salariat ce que je retiens c’est le salaire.

Mais parfois, certains aspects du quotidien me donnent envie de tout envoyer valser parce que le salaire n’éponge pas toute la crasse.

Cette semaine, ce sont les goujats, le sexisme ordinaire, et les gorets qui me révoltent. D’ailleurs, c’est plutôt mignon goret comme mot, non ? Assez mensonger en fait. On imagine un petit animal tout doux alors qu’en fait c’est juste un bébé porc ou un marmot dégoûtant. »

Lundi

Je m’affaire, je trépigne, le dossier doit être envoyé au client à 17h. 17h pile. Ensuite ce dernier rejoint sa femme pour leur anniversaire de mariage et l’emmène au Meurice pour un dîner sous les étoiles de la gastronomie.

Donc, me voilà, en pleine action, marchant d’un pas énergique dans le couloir l’esprit occupé par milles sujets aussi stratégiques qu’inutiles.

Quand soudain une voix masculine me sort de mes pensées et de ce quotidien trépidant : « Joli pantalon ».

Là, vous avez besoin d’un peu plus de contexte.

Patrick, le commercial chauve et bedonnant qui vient de s’exprimer est à un mètre derrière moi dans un couloir aussi glauque qu’étroit. Mon pantalon est moulant. Très moulant. Et là clairement, pour ceux qui n’avaient toujours pas compris, il est en train de me mater l’arrière-train et en apprécie visiblement la chaloupe.

Une collègue à l’autre bout du couloir a entendu la scène et se retourne, nos regards se croisent, le dégoût dans ses yeux en disent long, je n’ai pas rêvé, l’horrible goret vient de commenter mon cul.

Mardi

On organise le Grand Séminaire Annuel qui réunit les différents services de l’entreprise. Exercice périlleux qui exige sang-froid et diplomatie. Le monde menace de s’effondrer à chaque instant. La livraison des échantillons commerciaux sera-t-elle effectuée avant midi ? Les argumentaires de vente ont-ils été reliés par l’imprimeur ? Catastrophe ! La clé usb de la présentation est corrompue, la dernière sauvegarde date d’il y a une semaine, peut-on appeler le support informatique de toute urgence ?! Concentration, méthode et organisation. Surtout ne pas se laisser distraire. Assise dans l’open space, je gère les différents interlocuteurs avec un tact dont devraient s’inspirer les dirigeants de ce monde.   

C’est alors que mon patron pénètre dans la pièce, m’aperçoit, me sourit, m’adresse un clin d’œil, s’approche près de moi, met sa main autour de mes épaules, se penche et me chuchote à l’oreille : « ça va Josette ? Tu nous organises ça bien ? »

Respire.

Mercredi

Le Grand Séminaire Annuel bat son plein. Les échantillons ont été livrés, les argumentaires imprimés, la clé usb réparée. Toute la force commerciale, essentiellement du sexe masculin, est présente. L’heure du diner est annoncée et les gorets se régalent de mousse de canard et de champagne.

Beaucoup de mousse pour se faire mousser, pourtant ça sent toujours aussi mauvais. C’est bien normal, je ne leur en veux pas. (Un porcelet non castré dégage une odeur pestilentielle dîte odeur de verrat – cherchez sur Wikipedia, un bon goret est un goret castré) 

C’est à ce moment que l’animateur de la soirée, de l’espèce des DJ de mariage, décide d’organiser un petit jeu d’ambiance pour chauffer les foules.

Il a sélectionné une fille de chaque table, nous a fait monter sur scène et a lancé un concours de Hula-Hoop. Bon esprit et naïves les meufs, on a toutes joué le jeu sans se poser de question. Notre odorat n’avait pas détecté l’odeur de fumet suspecte.

Je gagne haut la main la petite compétition, assez fière de faire gagner mon équipe, et retourne à mon dessert.

Lorsque la soirée se termine, un commercial vient me voir et me dit qu’il avait beaucoup apprécié la vidéo et me félicite pour mon déhanché. Je ne comprends pas. Quelques minutes après, un autre porcelet éméché accompagné d’un collègue d’élevage vient me complimenter pour la maîtrise de mon bassin. Ce n’est que lorsqu’un troisième porc se présente que je comprends que l’un d’eux a filmé la performance et qu’ils se transmettent la vidéo par message pour être certain que chacun profite du spectacle.

Jeudi

Aujourd’hui est une journée de grève nationale, cheminots en colère et seniors inquiets, ils ne finiront finalement par leurs vies sur des Costa Croisière, il va falloir bosser encore un peu pour se payer le cercueil en chêne massif.

Or, depuis le 3 novembre dernier, les femmes ne sont plus rémunérées jusqu’à la fin de l’année quand on compare à postes et diplômes équivalents leurs salaires à celui de leurs collègues masculins.

Ainsi, aujourd’hui, jeudi 5 décembre, j’ai décidé de me joindre au mouvement, et de transformer cette journée de home office, en journée de glande assidue, rébellion passive mais jouissive. Finalement, je ne suis plus payée, alors laissons les gorets trimer.

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